ESG LES 500 accélèrent la cadence
Économie Entreprises en partenariat avec Kompass Maroc lance le premier panorama du paysage ESG de la grande entreprise marocaine.
Pour cette édition, Mazars Maroc a analysé les données de cette première enquête qui révèle que davantage d’entreprises marocaines, cotées à la Bourse de Casablanca et non cotées, s’alignent sur les enjeux environnementaux, sociétaux et de gouvernance en intégrant dans leur stratégie de développement la démarche RSE et les critères ESG.
De plus en plus d’entreprises marocaines, cotées et non cotées à la Bourse de Casablanca, s’alignent sur les enjeux environnementaux, sociétaux et de gouvernance en intégrant dans leur stratégie de développement la démarche RSE et les critères ESG. Selon une récente enquête réalisée par le groupe Economie & Entreprises, 47% des entreprises engagées sur la durabilité adoptent des initiatives ESG. Dans le secteur industriel, 66% de ces sociétés intègrent déjà les critères ESG et 49% mesurent leur empreinte carbone pour évaluer leur impact environnemental.
66% des sociétés industrielles engagées sur la durabilité au Maroc intègrent les critères ESG (Environnementaux, Sociaux et Bonne Gouvernance) dans leur stratégie de développement. C’est ce que révèle une récente enquête réalisée par le groupe Economie Entreprises dans le cadre de l’édition 2023 de son flagship event « Les 500 ». Les conclusions de ce sondage, mené auprès de 137 entreprises ayant mis en œuvre au moins une initiative en matière de durabilité, et opérant notamment dans quatre secteurs d’activité dont l’industrie (41,6%), le commerce (40,1%), les services (13,1%) et la finance (5,1%), sont éloquentes et renseignent principalement sur l’attitude des entreprises marocaines quant à la prise de conscience des enjeux climatiques et de développement durable ainsi que la prise en considération des problématiques sociétales dans leur environnement. Force est de remarquer que c’est l’une des toutes premières enquêtes du genre au Maroc, d’autant qu’il y a très peu de données officielles disponibles sur l’implémentation des normes ESG par les entreprises dans le royaume. Le sondage conforte en effet une considérable orientation des entreprises concernées vers la prise en compte des enjeux climatiques dans leur process. Ainsi, sur les 57 sociétés industrielles sondées, on note un important engagement envers la RSE (Responsabilité sociétale de l’entreprise), avec 72% d’entre elles ayant adopté une démarche RSE. De même, 56% de ces entreprises effectuent une analyse de matérialité pour orienter leurs actions. « En ce qui concerne les critères ESG, 66% des sociétés industrielles intègrent ces éléments dans leur stratégie, et 49% mesurent leur empreinte carbone pour évaluer leur impact environnemental », révèle l’étude. Sur les 55 entreprises sondées dans le secteur commercial, 75% ont adopté une démarche RSE, et 64% intègrent les critères ESG dans leur stratégie, tandis que 51% mesurent leur empreinte carbone pour évaluer leur impact environnemental. « Cela témoigne d’un engagement significatif envers la responsabilité sociale des entreprises. De plus, 80% d’entre elles réalisent une analyse de matérialité pour orienter leurs actions », souligne-t-on. Dans le secteur des services, la tendance est bien plus haussière dans la mesure où 94% adoptent une démarche RSE. Toutefois, dans ce secteur, seules 44% des entreprises sondées réalisent une analyse de matérialité. Quant aux critères ESG, 61% les intègrent dans leur stratégie, et 50% mesurent leur empreinte carbone pour évaluer leur impact environnemental.
Une part non négligeable des entreprises exportatrices implémente les normes ESG
Les entreprises du secteur de la finance sont par contre les meilleurs élèves de la classe en ce qui concerne la prise en considération de la responsabilité sociétale de l’entreprise puisque l’enquête montre qu’elles ont presque toutes adopté une démarche RSE. Toutefois, seulement 71% d’entre elles réalisent une analyse de matérialité. Et seules 14% des sociétés financières intègrent les normes ESG dans leur stratégie, tandis que 57% mesurent leur empreinte carbone pour évaluer leur impact environnemental. Soulignons que la majorité (59,1%) des entreprises sondées sont des entreprises non exportatrices. Les exportateurs moyens représentent 22,6% de l’échantillon, tandis que les grands exportateurs comptent pour 18,2%. De même, la majorité des 137 entreprises (soit 81%) n’est pas cotée en Bourse, tandis que les entreprises cotées en Bourse ne représentent que 19% de cet échantillon. Dans les détails, parmi les entreprises non exportatrices, 83% ont adopté une démarche RSE, ce qui montre un engagement fort envers la responsabilité sociétale. Aussi, 53% de ces entreprises réalisent une analyse de matérialité, et elles sont 61% à intégrer les critères ESG dans leur stratégie, tandis que seulement 47% mesurent leur empreinte carbone pour évaluer leur impact environnemental. Concernant les entreprises moyennement exportatrices, l’enquête montre que 68% ont mis en place une démarche RSE pour soutenir leur engagement envers la responsabilité sociétale des entreprises. Cependant, seulement 42% de ces entreprises mènent une analyse de matérialité. En ce qui concerne les critères ESG, 61% des sociétés moyennement exportatrices les intègrent dans leur stratégie, tandis que 42% mesurent leur empreinte carbone pour évaluer leur impact environnemental. Il est à noter que parmi les entreprises fortement axées sur l’exportation, 84% ont adopté une démarche RSE, et 56% d’entre elles réalisent une analyse de matérialité pour mieux comprendre les enjeux essentiels de leur environnement. L’étude démontre également que 64% intègrent les critères ESG dans leur stratégie, tandis que 72% mesurent leur empreinte carbone pour évaluer leur impact environnemental. Force est de remarquer que sur les 31 sociétés cotées en Bourse, 71% ont mis en place une démarche RSE, tandis que 58% effectuent une analyse de matérialité. 68% intègrent des critères ESG, et 48% mesurent leur empreinte carbone. En revanche, au sein des 111 sociétés non cotées en Bourse, un considérable engagement vis-à-vis de la RSE est constaté avec 87% ayant adopté une démarche RSE. De même, 52% de ces entreprises effectuent une analyse de matérialité pour guider leurs initiatives. Il est également à noter que 64% de ces sociétés intègrent les normes ESG dans leur stratégie, et 54% mesurent leur empreinte carbone pour évaluer leur impact environnemental. L’enquête montre aussi qu’une grande partie des entreprises sondées envisage d’adopter des mesures significatives en matière d’impact environnemental dans le cadre de leurs démarches ESG en 2023. Notons que ces mesures comprennent une variété d’actions, notamment l’installation de panneaux photovoltaïques pour réduire leur dépendance aux énergies fossiles, la mise en place de systèmes de traitement et de recyclage des eaux usées en vue d’une gestion responsable des ressources en eau, la diversification de leurs portefeuilles d’actifs vers des investissements plus durables, ainsi que la création de programmes de gestion environnementale visant à identifier et à maîtriser les aspects environnementaux les plus significatifs. Aussi, note-t-on que parmi les entreprises interrogées, 53 % ont déjà acquis des certifications, ou sont en train de les obtenir ou ont prévu de le faire en 2023-2024. « Les réponses fournies révèlent un engagement solide envers les normes environnementales, notamment les certifications ISO 14000 et 14001, qui correspondent au management environnemental. Plusieurs entreprises ont réussi à obtenir ces certifications et prévoient de les renouveler, démontrant ainsi leur engagement continu en faveur de pratiques environnementales durables », font remarquer les auteurs de l’enquête, ajoutant que 54% des 137 entreprises mettent en œuvre des initiatives visant à promouvoir la parité hommes-femmes.
Un dispositif règlementaire progressif
Pour sa part, l’Autorité marocaine de contrôle du marché des capitaux (AMMC) a également pris les devants en instaurant l’obligation de publier un rapport RSE / ESG dès 2020 pour les entreprises faisant appel public à l’épargne, et a revu à la hausse les exigences sur ces reportings en 2023. En effet, l’entreprise de demain ne sera plus évaluée uniquement sur sa performance financière mais aussi sur son impact social et environnemental. Pour gagner des parts de marché et résister efficacement à la concurrence, l’entreprise doit intégrer les normes ESG dans ses process. Car, bien pensé et bien exécuté, l’ESG constitue un levier de surperformance économique des entreprises. De nombreux sondages et études réalisés ces dernières années auprès des dirigeants d’entreprises, notamment en Europe, le prouvent. Hormis la contrainte règlementaire pour les entreprises faisant appel public à l’épargne, les entreprises marocaines, et encore plus celles qui sont très actives dans l’export, ont entamé une marche irréversible vers la décarbonation, sous la houlette de l’Etat. Celles qui exportent vers la zone UE (Union Européenne) sont désormais soumises à l’obligation de se conformer au Mécanisme d’ajustement aux frontières (MACF), entré en vigueur depuis le 1er octobre 2023 dans sa phase d’essai, afin de pouvoir exporter leurs produits vers les pays de l’UE. Une marche progressive, qui à terme, obligera une plus large proportion d’entreprises marocaines d’intégrer les enjeux sociaux, environnementaux et de gouvernance dans leur stratégie de développement. Sur le plan de la réglementation, le Maroc continue de renforcer son dispositif. « Au Maroc, nous avons un processus progressif qui a abouti, pour le moment, à l’obligation de reporting extra-financier pour les sociétés faisant appel public à l’épargne. Ce processus continuera dans le même sens que la réglementation européenne compte tenu des engagements de convergence du Maroc avec l’UE dans le cadre du statut avancé du partenariat », explique Salah Eddine Bennani, Senior Manager – Strategy & Management Consulting chez Mazars au Maroc. Il fait notamment remarquer que l’Union Européenne a adopté en décembre dernier la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), entrée en vigueur en janvier 2023 et qui devrait être transposée dans la réglementation des pays membres avant juillet 2024. Toutefois, la mobilisation du financement nécessaire pour le déploiement de la stratégie RSE et des programmes ESG pourrait représenter un challenge considérable pour les entreprises marocaines, qui risque de freiner leur marche.
Salah Eddine Bennani
Senior Manager, Strategy & Management Consulting
Mazars Maroc
L’ESG décortiqué
par Mazars
La prise de conscience des considérations environnementales et sociales s’accélère dans le monde des affaires. Ces dernières années, de nombreux grands groupes marocains, encouragés par la réglementation sur le reporting extra-financier pour les sociétés faisant appel public à l’épargne, ont intégré l’ESG dans leur process. Salah Eddine Bennani, Senior Manager, Strategy & Management Consulting chez Mazars au Maroc, explique les enjeux et les implications de ce nouveau paradigme pour les entreprises marocaines.
Depuis quelques années, les économies mondialisées et leurs grandes entreprises sont confrontées à un nouveau paradigme qui impose au libéralisme économique une sorte de « Reset ». On parle même de néo-capitalisme. Quel est votre regard sur cette nouvelle matrice économique ?
Ce nouveau paradigme marque l’amorce d’une étape majeure dans le cours de l’histoire et touche aux fondements même du capitalisme. En effet, après des siècles de croissance tirée par la découverte d’importants gisements de ressources naturelles et leur exploitation de manière abondante, le monde a basculé dans un mode de consommation plus rapide qui ne permet pas à la terre de se régénérer.
A cela se rajoute le dérèglement climatique qui s’est accentué au cours des dernières décennies. En prenant également en considération la forte croissance démographique, il va sans dire que les décideurs sont confrontés à des situations plus complexes autant sur le plan économique que politique, et dont les origines sont environnementales et sociales. D’où la concertation onusienne et la formalisation des ODD – Objectifs de développement durable – au nombre de 17 inclus dans l’Agenda 2030 de l’Organisation des Nations Unies.
Ces enjeux impactent bien évidemment aussi le monde des affaires dans la mesure où l’entreprise exploite différentes matières premières pour produire des biens (elle peut donc être confrontée à des difficultés d’accès à ces ressources ou aussi être à l’origine de leur détérioration). D’autre part, l’entreprise subit également les affres du réchauffement climatique.
A la lumière de vos explications, y a-t-il un amalgame entre ESG et RSE ?
Tout à fait, il peut subsister un amalgame. Avoir en effet une conscience sociétale ne suffit pas. Il faut agir en adéquation avec cette conscience, d’où le concept de RSE (Responsabilité sociétale de l’entreprise).
C’est un cadre de réflexion qui invite l’entreprise à formuler sa conscience sociétale, sa sensibilité à l’égard des différentes problématiques posées (en se basant par exemple sur les 17 ODD), et à formaliser des orientations et des choix d’action en la matière. L’ESG constitue l’étape suivante. Il s’agit d’un palier de maturité qui apporte un focus sur les trois leviers (environnementaux, sociétaux et bonne gouvernance) qui le constituent, de manière plus précise avec des métriques, des indicateurs permettant d’évaluer les actions réalisées.
Peut-on dire que l’ESG offre une autre image de l’entreprise au-delà de ses indicateurs financiers ?
Oui. Les métriques ESG peuvent porter sur des informations telles que les émissions carbone, l’empreinte carbone, la vulnérabilité au changement climatique, la pollution générée et bien d’autres points en ce qui concerne le volet Environnemental.
Sur le volet Social, il y a les relations clients – fournisseurs, la conformité au droit social (dont la santé et la sécurité au travail, les sujets de discrimination, de protection de l’enfance…), parmi tant d’autres. Et en ce qui concerne le pilier Gouvernance, il y a l’éthique, la transparence fiscale, les droits des actionnaires (notamment minoritaires), la rémunération des dirigeants, etc.
Ce sont autant d’indicateurs qui permettent de mieux connaître une entreprise, au-delà de ses états financiers, de mieux comprendre les risques auxquels elle est confrontée et les dispositifs de réponse qu’elle met en œuvre, et de mieux apprécier sa stratégie pour générer de la croissance durable avec une lecture revisitée des opportunités. Ce n’est pas un hasard si le niveau d’investissement dans les fonds ESG connaît une croissance fulgurante dans le monde : 220% d’augmentation entre 2019 et 2021, passant de 285 à 650 milliards de dollars investis (Source : Étude Refinitiv/Lipper – nov. 2021). Et il en va de même pour la mobilisation des instances régionales et internationales de normalisation comptable pour édicter des standards de reporting extra-financier (notamment GRI, ESRS, IFRS S1 et S2 publiés en juin 2023).
Il faut remarquer que les réglementations nationales et régionales accordent de plus en plus d’importance à ces reportings extra-financiers, que cela soit à titre d’information périodique régulière ou à titre d’information requise dans le cadre d’opérations spécifiques.
Le Maroc n’est pas en reste : l’AMMC (Autorité marocaine du marché des capitaux) a introduit, pour les sociétés faisant appel public à l’épargne, l’obligation de publier un rapport RSE/ESG dès 2020 et a revu à la hausse les exigences sur ces reportings en 2023. L’objectif de l’AMMC est de promouvoir la culture de la Responsabilité RSE au niveau des sociétés faisant appel public à l’épargne au Maroc, et de préparer ces dernières aux futures obligations de reporting ESG qu’il est prévu de mettre en place.
Il est désormais question de conscience sociale de l’entreprise et de clientèle socialement consciente… Pouvez-vous nous expliquer ces termes ?
La conscience sociale ou plutôt sociétale de l’entreprise est le fait pour celle-ci de comprendre tous les enjeux liés à tout ce que j’ai évoqué dans la question précédente, c’est-à-dire comprendre in fine comment l’entreprise est impactée par les phénomènes d’ordre environnemental et social, et comment elle-même impacte l’environnement et la société autant positivement que négativement. En ce qui concerne la clientèle, avoir une conscience sociétale implique qu’il faut comprendre que nos choix de consommation ont également un impact sur l’environnement et sur la société.
Il y a également la problématique des faux ESG. Qu’en pensez-vous ?
Le faux ESG, ou encore le greenwashing, fait référence simplement à la fraude en matière de communication et de publication d’informations extra-financières. En vue de l’éviter, l’entreprise doit structurer sa stratégie RSE sur une base fondée et méthodique, appuyée par une analyse de matérialité ainsi qu’une adéquation avec la stratégie business. Elle doit traduire cette stratégie RSE en dispositifs ESG clairs et précis, outillés d’indicateurs pertinents, adaptés, mesurables et vérifiables, en s’appuyant sur des référentiels normés. Elle doit mettre en place un processus de collecte, de production et d’analyse de l’information ESG, efficace, permanent, traçable et vérifiable. L’entreprise doit également s’assurer que son reporting se conforme aux normes et standards et qu’il apporte aux destinataires une information de qualité et fiable, compréhensible sans équivoque. En complément, le recours à la certification de ces rapports est une mesure précieuse pour apporter une assurance raisonnable quant à la véracité et la conformité des informations publiées.
La réglementation marocaine ne prévoit pas encore l’obligation de certification des rapports extra-financiers, contrairement à certaines juridictions internationales. Toutefois, les autorités marocaines compétentes pourraient inclure cet aspect à la réglementation dans les prochaines années.
Peut-on dire aujourd’hui que les ESG favorisent l’approche de l’exclusion à celle de l’inclusion ?
Les ESG ne favorisent pas l’approche de l’exclusion. Il faut savoir, d’une part, que l’un des outils de travail essentiels pour structurer la démarche RSE est l’analyse de matérialité. C’est une approche fondamentalement inclusive puisqu’elle consiste en une identification et une implication de l’ensemble des parties prenantes, tant internes qu’externes de diverses catégories, dans l’activité et le fonctionnement de l’entreprise. D’autre part, le concept de RSE remonte aux années 1950 et a été progressivement précisé et formalisé notamment dans les années 1990. Le Pacte mondial des Nations Unies, qui date des années 2000, a posé les jalons des ODD adoptés en 2015… Avec le renforcement de la réglementation (de manière très progressive, tout de même), et l’attention portée par les investisseurs aux piliers ESG, on passe de plusieurs décennies de sensibilisation à une concrétisation et une opérationnalisation sur le terrain.
Toutefois, il est important de reconnaître que le processus n’a pas encore atteint sa vitesse de croisière et que les entreprises qui tarderont à prendre le train en marche auront beaucoup de difficultés à l’avenir non seulement au regard des futures réglementations, mais également en ce qui concerne le gap qu’elles auront creusé vis-à-vis des attentes de leurs marchés.